Le Conseil constitutionnel a été saisi pour examiner la conformité à la Constitution de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle, qui excluait, sauf exceptions, les salariés étrangers en situation irrégulière de ce dispositif. Dans une décision du 28 mai 2024, il a jugé ces dispositions contraires au principe d’égalité devant la justice, en ce qu’elles ne garantissaient pas à ces personnes les mêmes droits que les autres justiciables.
Les affaires à l’origine de cette décision concernaient des salariés sans titre de séjour, employés en CDD ou par contrats temporaires, qui demandaient la requalification en CDI devant le Conseil des Prud’hommes. Leur demande d’aide juridictionnelle avait été rejetée au motif qu’ils ne disposaient pas d’un titre de séjour valide.
Avant cette décision, l’aide juridictionnelle n’était accessible aux étrangers en situation irrégulière que dans des cas limités prévus par l’article 3 de la loi de 1991 :
- contestation d’une obligation de quitter le territoire (OQTF), d’un placement en rétention ou d’une assignation à résidence ;
- mise en cause ou constitution de partie civile dans un procès pénal ;
- ordonnance de protection ;
- procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ;
- ou, exceptionnellement, si la situation était jugée particulièrement digne d’intérêt.
Le Conseil rappelle que le législateur peut prévoir des mesures spécifiques en tenant compte de la régularité du séjour, mais à condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment l’égalité devant la justice. Il en conclut que l’exclusion générale des étrangers en situation irrégulière, en dehors des exceptions précitées, est inconstitutionnelle.
La déclaration d’inconstitutionnalité s’applique à toutes les affaires non définitivement jugées à la date du 28 mai 2024.
Désormais, tout étranger en situation irrégulière pourra bénéficier de l’aide juridictionnelle à condition de respecter les plafonds de ressources fixés par la circulaire du 17 janvier 2023.
Cette décision est un tournant pour l’effectivité de l’accès au droit des salariés en situation irrégulière. En effet, en cas d’atteinte aux droits garantis par le code du travail notamment, les salariés pourront saisir le tribunal prud’hommes d’un recours contre leur employeur.